Copropriété : comment réduire la facture
La Vie Financière N°3114 / Vendredi 11 Février 2005 / Catégorie : Patrimoine
Les charges de copropriété ne cessent d'augmenter et les nouvelles réglementations risquent d'alourdir encore la facture. Nos conseils pour traquer les dépenses injustifiées.
Les copropriétaires n'ont pas fini de grincer des dents à la réception de leur relevé de charges ! Après la hausse du prix du pétrole qui a accru les dépenses de chauffage collectif, les nouvelles réglementations risquent d'alourdir encore la note. En 2003, les charges de copropriété ont progressé de 3 % en moyenne en France (contre 0,5 % en 2002), pour atteindre plus de 18 euros au mètre carré par an en moyenne, selon la Confédération nationale des administrateurs de biens (Cnab), qui annonce de nouvelles augmentations pour les années 2004 et 2005.
De quoi inciter les copropriétaires à redoubler de vigilance. Certains professionnels indélicats pourraient en effet les entraîner dans une application abusive des nouvelles réglementations. D'autant que, dans le passé, faute avouée fut vite pardonnée... Sur la trentaine de syndics et la centaine de dirigeants d'entreprise franciliens condamnés en 2002 et 2003 pour avoir échangé des pots-de-vin d'un montant total de plus de 2 millions d'euros au détriment de 500 copropriétaires, un grand nombre a bénéficié des lois d'amnistie. Graci��s par le président de la République, ils ont également été épargnés par leurs pairs. « Lorsque nous avons voulu exclure de nos rangs le seul de nos adhérents impliqué dans ces affaires, son avocat nous a menacés de nous poursuivre, arguant que nous ne pouvions pas le sanctionner pour une faute amnistiée », regrette Alain de Kaenel, président du Conseil supérieur de l'administration de biens (Csab)
Quelques sources d'économies
Les moyens de contrôle mis à la disposition des copropriétaires pour protéger leurs intérêts sont à présent renforcés. Et peuvent être à l'origine d'économies.
- Un contrôle des charges facilité
En 2003, les dépenses de chauffage ont bondi de près 9 % tandis que les frais de personnel ont augmenté de près de 8 %, selon l'enquête de la Cnab portant sur quelque 3 700 logements en France. Or ces deux postes représentent presque la moitié du montant des charges de copropriété. D'où l'importance de contrôler leur évolution d'une année à l'autre. Une tâche facilitée par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain), qui a instauré depuis le 1er janvier 2002 le vote, en début d'exercice, d'un budget prévisionnel pour toutes les dépenses courantes (salaire du syndic, assurance, contrats d'entretien des ascenseurs ou des chaudières...)
A condition que les copropriétaires s'assurent que le syndic tient les prévisions ! Sinon, ils risquent d'être confrontés à une dérive de leurs charges selon un phénomène de boule de neige : si le syndic dépasse le budget prévu, il sera tenté l'année suivante de concevoir un budget prévisionnel plus élevé et de dépasser à nouveau ses prévisions, alourdissant toujours davantage la note pour les copropriétaires.
- Un suivi des comptes amélioré
Chaque trimestre, les copropriétaires avancent un quart du budget en paiement anticipé des charges. Pour s'assurer que les sommes avancées sont utilisées à bon escient, mieux vaut opter pour le compte séparé, consacré à la copropriété, et non pour un compte unique au nom du syndic, sur lequel celui-ci gère l'ensemble des copropriétés dont il a la charge. « Cela permet de suivre la trésorerie au jour le jour comme sur un relevé bancaire classique », insiste Marina Durand, présidente de l'Adacop, association de défense des copropriétaires. « Et lorsque les excédents de trésorerie sont placés, c'est la copropriété et non le syndic qui empoche le produit des placements. » Le syndic n'est donc plus tenté de payer les fournisseurs le plus tard possible, de faire voter des provisions très élevées ou de garder en caisse le plus longtemps possible les recettes comme les indemnités d'assurance afin d'optimiser sa trésorerie. Le compte séparé est désormais la règle et les copropriétaires ne peuvent en dispenser le syndic que pour une durée limitée, cette dispense cessant immédiatement lorsqu'un nouveau syndic est désigné.
Il est également plus facile de suivre les comptes de la copropriété depuis qu'il est obligatoire de joindre à la convocation de l'assemblée générale une situation de trésorerie (faisant le bilan des recettes et des dépenses et permettant aux copropriétaires de traquer les excédents de trésorerie) ainsi qu'un état des dettes et des créances sur lequel apparaissent les copropriétaires en retard dans le règlement de leurs charges ou les fournisseurs qui n'ont pas été payés. Reste la mise en place d'un plan comptable unifiant la présentation de la comptabilité de toutes les copropriétés, prévu par la loi SRU. Mais voilà déjà deux fois que ce plan a été repoussé, faute d'un décret d'application précisant son contenu !
- Des honoraires plus détaillés
Inutile de négocier un forfait compétitif pour la gestion courante si le syndic a la main lourde sur les tarifs des prestations exceptionnelles telles que le suivi de gros travaux ou l'engagement d'une procédure judiciaire. Attention aussi à ce que certaines tâches comme les premiers frais de relance, le suivi des sinistres ou la tenue du carnet d'entretien ne soient pas facturées comme des prestations exceptionnelles alors qu'elles devraient relever du forfait. C'est désormais plus facile de s'en assurer, le syndic étant tenu de détailler les honoraires de la gestion courante et des autres prestations, et de fournir à chaque copropriétaire une copie intégrale de son contrat. Son mode d'élection a également été revu. Son contrat doit désormais être adopté à la majorité absolue des voix de tous les copropriétaires, sauf si un premier vote ne suffit pas à départager plusieurs candidats. Dans ce cas, un second vote est organisé à la majorité des présents ou représentés. Enfin, il n'y a plus de reconduction tacite du mandat.
- Des contrats plus transparents
De plus en plus de syndics font partie de groupes ayant ouvert leur capital à des banquiers ou à des assureurs ou qui développent des filiales spécialisées dans l'offre de crédit, d'assurance ou d'expertise. Ce qui les amène à proposer ces services aux copropriétaires. Un mélange des genres que dénonce la présidente de l'Adacop : « Il n'est pas normal qu'un audit soit réalisé par une filiale du syndic. Car c'est la porte ouverte à certaines dérives. » Si la nouvelle loi n'a pas interdit ce mélange des genres, elle l'a encadré. Avant de confier une prestation de services à une société qui détient directement ou indirectement une participation dans son capital, le syndic doit désormais demander l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires. Ce qui aura au moins le mérite d'éveiller leur méfiance ! Cela les incitera également à exiger du syndic qu'il fasse jouer la concurrence entre les entreprises. Enfin, lorsque des travaux sont prévus et qu'un contrat doit être signé en assemblée générale, le syndic devra faire parvenir aux copropriétaires les conditions essentielles des devis au plus tard lors de l'envoi de l'ordre du jour.
Davantage de dépenses
Les nouvelles réglementations multiplient les devoirs des copropriétaires et rendent la gestion plus complexe. Elles génèrent donc plus de dépenses.
- Des coûts de gestion plus élevés
Chaque assemblée générale devra désormais se clore par la signature du procès-verbal. « Gare au surcoût en heures supplémentaires et en honoraires de gestion courante que cela entraînera car le syndic devra s'équiper d'un ordinateur, voire de personnel supplémentaire ! » avertit Alain Ludger, juriste à l'Association des responsables de copropriété (ARC). Le syndic devra en effet préparer à l'avance un projet de résolution pour toutes les questions inscrites à l'ordre du jour. « La signature prendra d'autant plus de temps que la copropriété est grande, le procès-verbal devant indiquer les noms des copropriétaires ou mandataires qui se sont opposés à la décision, leur nombre de voix, ceux qui se sont abstenus et leur nombre de voix », note Philippe Rousselet, directeur général du groupement foncier français (GFF), peu convaincu de l'utilité de la mesure.
- Des diagnostics injustifiés
Attention aussi à la propension de certains syndics à prescrire des diagnostics injustifiés. En effet, ils confondent parfois ceux qui sont exigibles pour les parties privatives et ceux qui le sont pour les parties communes. Les vendeurs doivent ainsi fournir un certificat de recherche d'amiante dans les parties communes, pris en charge par la copropriété. Mais seules certaines villes ou régions imposent le contrôle des termites dans les parties communes. Quant à l'état des risques d'accessibilité au plomb datant de moins d'un an, il n'est obligatoire que dans les immeubles construits avant 1948 et situés dans les zones à risque.
- Un lifting du règlement à prix exorbitant
Certains règlements de copropriété comportent aujourd'hui des clauses devenues illégales avec les modifications successives de la loi de 1965 réglementant la copropriété. La loi SRU permet d'actualiser facilement ce document avant le 13 décembre 2005 : un vote à la majorité simple des présents et des représentés suffit (et non aux deux tiers des millièmes et plus de la moitié des copropriétaires). L'ennui, c'est que certains syndics en profitent pour pratiquer ce lifting à un prix totalement injustifié ! Méfiance, donc, et pas de précipitation. « Une clause illicite n'est pas applicable : un copropriétaire à qui elle est imposée pourra toujours la contester s'il est poursuivi en justice pour non-application du règlement », note Philippe Rousselet.
- Le scandale des ascenseurs
Plusieurs accidents dramatiques ont amené les pouvoirs publics à renforcer la sécurité des ascenseurs. Au prix fort pour les copropriétaires : 4 milliards d'euros, selon les chiffres officiels, le double selon l'ARC. Premier chantier qui attend les co-propriétaires : la révision du contrat d'entretien, qui doit désormais préciser le délai pour la fourniture des pièces, les vérifications périodiques sur l'appareil... Ce toilettage exigible à la date de renouvellement du contrat existant pourrait, selon l'Association des responsables de copropriété, entraîner une augmentation de 15 % : vérifiez la date d'échéance de votre contrat et n'hésitez pas à demander plusieurs devis.
Deuxième grand chantier : la mise en sécurité de l'ascenseur. Là encore, pas de précipitation puisque la première échéance est en juillet 2008. Elle concerne le verrouillage des portes palières et la limitation de la vitesse en descente pour les appareils installés avant le 27 août 2000. Les autres travaux s'échelonneront jusqu'au 3 juillet 2018. Avant d'entreprendre quoi que ce soit, mieux vaut faire établir un audit de l'ascenseur par un bureau de contrôle indépendant et provisionner les travaux dans le budget de la copropriété. Quitte, si la rénovation se révèle trop coûteuse, à changer d'ascenseur, note l'ARC dans son guide Ascenseurs : comment éviter le pire (Editions Vuibert).
Attention, enfin, à ne pas vous laisser entraîner dans des dépenses inutiles par des ascensoristes peu scrupuleux qui proposeraient le remplacement d'un dispositif conforme ou la mise en place d'un système trop sophistiqué par rapport aux exigences de la loi.
Sept astuces pour bien gérer sa copropriété
- Ne pas donner son quitus au syndic : cela permettra de le poursuivre en cas d'erreur de gestion.
- Réclamer les fonds de roulement : les avances et les provisions pour charges les ont rendus inutiles.
- Se renseigner sur la date d'envoi de la convocation à l'assemblée générale : l'ordre du jour complémentaire ayant été supprimé, il faut communiquer les points que l'on souhaite discuter avant réception de la convocation.
- S'assurer que le syndic a souscrit une assurance dommages ouvrage en cas de travaux importants. Sinon, la copropriété n'aura pas de recours en cas de malfaçon.
- Limiter le mandat du syndic à un an : si ce dernier ne vous convient pas à cette échéance, vous pourrez en changer sans avoir à démontrer qu'il a commis une faute ou à lui payer des dommages et intérêts.
- Ne pas rester sans syndic : toutes les décisions prises en assemblée générale seraient alors considérées comme nulles.
- Opter pour l'individualisation des compteurs d'eau : la loi SRU a abaissé la majorité requise pour voter cette décision en assemblée générale et oblige les compagnies des eaux à installer des compteurs de facturation dans les appartements.
LES NOUVEAUX POUVOIRS DU CONSEIL SYNDICAL
- Constitué de copropriétaires élus lors de l'assemblée générale, le conseil syndical a en permanence accès aux comptes de la copropriété. Ses règles de fonctionnement sont désormais votées à la majorité simple des présents. Il pourra aussi prendre à tout moment conseil auprès d'un expert (avocat, huissier, architecte...) sans devoir demander l'autorisation en assemblée générale. En cas de changement de syndic, le sortant lui remettra un bordereau rassemblant toutes les archives et les comptes. En contrepartie, il sera désormais tenu de rendre compte de son mandat à chaque assemblée générale.
« Attention, en cas de vente d'un lot, les règles changent »
Lors d'un changement de copropriétaire, comment les charges sont-elles réparties entre le vendeur et l'acheteur ?
Depuis le 1er septembre 2004, les règles ont changé. La facture doit être acquittée par la personne propriétaire du bien au moment où la dette est exigible. Soit le premier jour de chaque trimestre pour toutes les dépenses inscrites dans le budget prévisionnel ou la date qui a été déterminée par l'assemblée générale pour toutes les autres dépenses. Prenons l'exemple d'une vente qui aurait lieu le 15 juin 2005. Le vendeur devra acquitter les provisions sur charges du budget prévisionnel pour le premier et le deuxième trimestre. L'acheteur, lui, devra payer pour le troisième et le quatrième trimestre.
Et en cas de trop ou de moins-perçu sur les provisions sur charges ?
Ils seront portés au crédit ou au débit de celui qui est copropriétaire au moment de l'approbation des comptes.
Imaginons que les copropriétaires aient voté avant la vente, en assemblée générale, un ravalement de façade. Qui, dans ce cas, paiera les travaux ?
Reprenons notre exemple. S'il est prévu lors de l'assemblée générale que l'appel de fonds se fera après le 15 juin 2005, donc une fois le logement vendu, c'est à l'acheteur qu'il reviendra de le payer. Mais si l'assemblée ne fixe pas de date, la dette sera considérée comme exigible immédiatement, et ce sera au vendeur de payer cette charge.
Est-il possible de déroger à ces règles ?
Rien n'empêche de prévoir dans l'acte de vente que les travaux décidés en assemblée générale avant la date du compromis de vente seront à la charge financière du vendeur ou que les excédents de provisions sur charges seront répartis entre le vendeur et l'acquéreur. Pour faciliter l'application de ces règles, la loi oblige le syndic à envoyer au notaire un état de compte détaillé. Et le notaire doit informer le syndic une fois l'acte définitivement signé par lettre recommandée avec accusé de réception.
Propos recueillis par S. F.
SOPHIE FENOUILLET
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dimanche 27 avril 2008
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